dimanche 20 avril 2014

Un complot des séparatistes catalans déjoué en Vallespir, novembre 1926

Explosifs à Millas et arrestations à travers les Pyrénées-Orientales

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales

En 1926, Francesc Macia et ses partisans, réfugiés en Vallespir, tentent d'organiser un complot contre la dictature en Espagne de Primo de Rivera. Déjoué par la gendarmerie française, il en tire néanmoins un certain prestige qui lui permet plus tard de proclamer la République de Catalogne et de devenir président de la Generalitat de Catalunya en 1931 après la mort de Primo de Rivera. Voyons le récit des événements tels que relatés dans un quotidien de l'époque.

L'Homme libre, 8 novembre 1926
Les arrestations
des séparatistes catalans

Perpignan, 7 novembre

De regrettables incidents se sont produits ce matin à la caserne de l'Académie où sont retenus prisonniers les insurgés séparatistes. Certains éléments anarchistes, ou, en tout cas, exaltés, ont grossièrement insulté les agents chargés de leur surveillance. L'autorité administrative a dû intervenir et prendre des mesures coercitives pour réprimer ce mouvement d'insubordaination.

Une nouvelle arrestation
La police mobile a procédé hier, dans la soirée, au cours de recherches domiciliaires, à l'arrestation à Perpignan d'un Catalan séparatiste.
Le service de la Sûreté continue l'interrogatoire de tous les insurgés. Toutefois l'audition de Macia, a été ajournée jusqu'après l'arrivée à Paris de certains documents.

La recherche des armes et des munitions
M. Kling, directeur du laboratoire municipal de Paris, est attendu aujourd'hui. Il doit présider à l'enlèvement des explosifs trouvés à Millas et abandonnés par les séparatistes.
Malgré le refus opposé par le colonel Macia de donner la moindre indication sur l'emplacement des dépôts d'armes et de munitions, les recherches continuent. Elles sont, à cause de ce mutisme, très laborieuses.
Le bruit avait couru que des coups de fusil avaient été échangés près d'Agullano entre des gardes civils et des séparatistes. Cette nouvelle est controuvée.

M. Lerroux, ex-leader républicain espagnol est arrêté
Des informations venues d'Espagne annoncent l'arrestation de l'ancien député aux Cortès Alexandre Lerroux, compromis, dit-on, dans le complot séparatiste catalan. S'il est possible que M. Lerroux ait conspiré contre le régime actuel, qui ne répond évidemment pas à son idéalisme républicain, rien ne permet de croire qu'il soit brusquement. passé de la parole aux actes. Il serait encore plus extraordinaire de supposer que le colonel Mascia eût accepté sa collaboration. Du reste, M. Lerroux a perdu depuis de longues années la direction du parti républicain, dont il fut le chef à l'époque déjà lointaine où les masses ouvrières de Catalogne l'avaient surnommé « le roi du Parallèle ». (Le Parallèle est un quartiter populaire de Barcelone).
Vieux papiers des Pyrénées-Orientales

L'Homme libre, 9 novembre 1926

Dernière heure
Les insurgés catalans s'étaient procuré des uniformes français

On a annoncé que dans un des dépôts d'armes découverts près de la frontière espagnole on a trouvé une trentaine d'uniformes de soldats français, capotes de fantassins et manteaux d'artilleurs. Un de ces derniers porte l'écusson de la garnison.
Le colonel Macia sera interrogé sur ce fait auquel les enquêteurs attachent une certaine importance.
« Le Casal Catalan », groupement catalaniste de Perpignan, a, par l'intermédiaire de son président, M. Figorola, adressé au ministre de l'intérieur et au préfet des Pyrénées-Orientales, une requête demandant un élargissement rapide des insurgés catalanistes, dont la plupart sont pères de famille et ne demandent qu'à reprendre leur travail. Le même groupement a ouvert une souscription en faveur des conjurés catalans.

La recherche des explosifs
M. Kling, directeur du laboratoire municipal de Paris, et M. Florentin, sous-directeur, arrivés à Perpignan, sont allés retirer deux bombes à la gendarmerie de Millas.
Ils se sont ensuite rendus à Saint-Laurent-de-Cerdans et Prats-de Mollo, pour prendre possession de deux sacs à main contenant une certaine quantité de cheddite et de dynamite.
Les deux fonctionnaires iront demain à Agde, Cette et à La Nouvelle pour retirer les explosifs jetés par les séparatistes catalans sur la voie ferrée.

Les confrontations se poursuivent
Une nouvelle arrestation

Hier après-midi, les confrontations ont continué entre les détenus et M. Francisco Mascia. L'entrevue avec Risoli fut affectueuse. L'Italien embrassa le leader catalan. Croyence Mascia [sic] se défend toujours d'une collusion avec Ricciotti Garibaldi.
Un Espagnol, surveillé depuis quelque temps, à Saint-Laurent-de-Cerdans, a été arrêté et transféré à Perpignan. Plusieurs camions automobiles ont rapporté, cet après-midi, du matériel de campement et vestimentaire, ainsi que des armes et munitions trouvés en Vallespir, qui ont été placés dans la citadelle.
La procédure est poussée rapidement, pour que les dossiers puissent être envoyés à bref délai à Paris, pour décision.
Les catalanistes sympathisants de Perpignan ont été avisés que, les prisonniers étant traités avec les plus grands égards, toute manifestation en leur faveur serait interdite.

Source :
L'Homme libre du 8 novembre 1926, via Gallica (cf. lien) [domaine public]
Photos : Fabricio Cardenas [CC-BY-SA]


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samedi 19 avril 2014

Un nouveau maire à Bompas, 26 mai 1815

Changement de maire à Bompas en 1815

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales

Retranscription pour la mairie de Bompas (orthographe et accentuation fidèles au document).

Bonpas

Procés verbal d'installation du maire & de l'adjoint de la commune de Bonpas élus par l'assemblee primaire le 21 mai 1815

L'an mille huits cents quinze & le vingt sixième jour du moi de mai a 6 heures du soir.
Nous Honoré Polit maire de la commune de Bonpas canton de Perpignan departement des Pyrénées Orientales ayant convoque le conseil municipal cejourd'huy en vertu de l'autorisation que j'ai reçu de M le sous prefet dattee du vingt et cinq courant a legard de l'installation de Mr Jacques Reyner élu maire par l'assemblee primaire ainsi que de Mr Michel Vidal elu adjoint par la même assemblee primaire tenue dans notre eglise le vingt et un courant tous etant reunis dans la sâle ordinaire de nos seances a ete present Mrs Louis Just, Pierre Henry, Joseph Saula Cantegril, Jean Reyner & Ramon Roger membres du conseil municipal. M le maire a fait l'ouverture de la seance. Se st presentés Mr Jacques Reyner & Mr Michel Vidal nouveaux élus savoir M Jacques Reyner élu maire & M Jacques [sic] Vidal adjoint. Mr Honoré Polit président a lu la lettre de M le sous prefet qui l'invite a installer les nouveaux titulaires chacun en leur qualité & il a fait ensuite lecture de l'arreté de M le prefet qui ordonne que les nouveaux éllus seront installés a la diligence de M le sous prefet lequel arrete datté du 25 mai mois courant ordonne la prestation du serment de fidelite prescrit par l'article 56 su senat consulte du 28 floreal an 12. Lecture etant faite M le president a appelle les nouveaux élus & leur a fait preter le serment chacun en particulier conçu en ces termes
Je jure obeissance aux constitutions de l'empire & fidelite a l'empereur
Chacun d'eux ayant repondu separement je le jure ils ont ete installes savoir M Jacques Reyner maire & M Michel Vidal adjoint chacun en leur qualite en foi de ce ai dresse le present procés verbal en double expedition pour etre envoyé a M le sous prefet & ont signe tous les membres du conseil exepte Ramon Roge [sic] qui a dit ne savoir apres que lecture a ete faite.
Fait a la mairie de Bonpas le jour & an que dessus
Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Signature du maire sortant Honoré Polit

[signatures]
Jean Reÿnér
L Just
P Enric
Joseph Cantagrill
Joseph Sola
H Polit
délégués de M le sous prefet

Commentaires

Bompas compte 700 habitants en 1806 et 773 en 1821, le village est donc en expansion en 1815.
En ce 26 mai 1815, un nouveau maire, Jacques Reyner, remplace l'ancien, Honoré Polit.
L'orthographe Bonpas, correcte et conforme à l'étymologie, est encore utilisée. Bonpas apparaît au XIIIème siècle en remplacement de Malpas, qui désignait sans doute jusque là un passage à gué dangereux. Plus tard au XIXème siècle Bonpas deviendra de manière erronée Bompas.

Le procès-verbal est rédigé d'une belle écriture soignée et très lisible bien que soient absents toutefois la plupart des accents et apostrophes.
Comme souvent on note des différences entre la graphie des noms dans le procès-verbal et dans les signatures. Pierre Henry devient P Enric tandis que Joseph Saula Cantegril devient en fait deux personnes distinctes, Joseph Sola et Joseph Cantagrill. Les nouveaux maire et adjoint n'ont pas signé le document. 

Un doute est possible sur le nom du nouveau maire et de l'un des conseillers municipaux : Reyner ou Reynes ? Bien que ce ne soit pas toujours clair, certains passages montrent clairement Reyner pour l'un et l'autre, ainsi que la signature du conseiller. Pourtant, c'est Reynès et non Reyner qui est cité comme étant l'un des noms les plus courants à Bompas en 1841 avec Vidal, Polit et Roger notamment (en ce qui concerne les noms présents dans ce conseil municipal). En 26 ans, des erreurs de graphies successives ont pu imposer Reynès à la place de Reyner, d'autant plus que le r final de Reyner devait être muet.

Enfin, détail amusant, on trouve parmi les des dix maires de Bompas au XXème siècle : Reynès, Polit, Vidal et Sola, tous des patronymes déjà présents dans ce conseil municipal de 1815.

Source : ADPO, 2M37 Photos : Fabricio Cardenas, CC-BY-SA


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vendredi 11 avril 2014

Étrange cambriolage au château de l'Esparrou à Canet, 1933

Des cambrioleurs bien élevés

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Carte Cassini de 1750
C'est le récit d'un cambriolage un peu particulier que l'on peut lire dans L'Ouest-Éclair du 4 novembre 1933.

Le château de l'Esparrou, construit de 1889 à 1891 par Joseph Sauvy sur des plans de l'architecte danois Viggo Dorph-Petersen, se situe à Canet-en-Roussillon, près de l'étang de Canet-Saint-Nazaire.

Un scénario de cinéma !

L'extraordinaire aventure d'une châtelaine

Perpignan. 3 novembre -- Au château d'Esparrou se sont présentés cette nuit deux hommes, entrés par effraction.
Mme Sauvy, la châtelaine, ayant été réveillée par les arrivants, fut prise pour la bonne et ils refusèrent l'argent qu'elle leur tendait sous prétexte que, étant sans travail et non des bandits, ils ne voulaient pas dévaliser une domestique. Ils emportèrent divers bibelots, mangèrent des pâtisseries et, fait étrange, enlevèrent des vêtements d'enfants.


Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Le Château de l'Esparrou

Source : L'Ouest-Éclair du 4 novembre 1933 [domaine public] (via Gallica, cf. lien)
Carte Cassini [domaine public]
Photo : Le Château de l'Esparrou par le Collège de Canet [CC-BY-SA] via Wikimedia Commons



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dimanche 6 avril 2014

Escarmouches de la guerre carliste en Vallespir, juillet 1835

Incidents frontaliers en Vallespir en 1835

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Don Carlos
Le roi d'Espagne Ferdinand VII meurt en 1833, ayant auparavant désigné comme successeur sa fille Isabelle au détriment de l'infant Charles, frère de Ferdinand. Seulement âgée de trois ans, Isabelle II est proclamée Reine d'Espagne (sous la régence de sa mère Marie-Christine), tandis que Charles (Don Carlos), qui n'accepte pas la décision et se sait soutenu par de nombreux partisans, se déclare également Roi d'Espagne sous le nom de Charles V. La guerre entre Carlistes et Isabellistes dure en définitive jusqu'en 1840 et s'exporte parfois aussi sur le sol français, comme en témoigne le récit des événements qui suit, publié dans Figaro du 17 juillet 1835.

BULLETIN POLITIQUE.

Paris, le 16 juillet.

 L'arrivéé successive des volontaires anglais forme la pièce principale des nouvelles actuelles de l'Espagne ; on a aussi publié le récit d'une affaire qui a eu lieu à Mollo et vraiment c'est pitié que l'enflure de ces escarmouches ; en ces rencontres tout est petit, excepté le caractère atroce de la guerre civile. Nous répétons ce bulletin en y joignant la situation topographique du théâtre de ces cruautés.
» Le marquis de la Torre, envoyé de Navarre pour se mettre à la tête de l'insurrection, a été, dit-on, pris et fusillé le 7 dans les environs de Mollo.
» Quatre autres chefs ont été tués dans le combat, et le reste des insurgés a été vivement poursuivi dans toutes les directions.
« Le 8, il a été fait treize nouveaux prisonniers sur notre frontière.
» Six autres fugitifs ont été pris sur la montagne des Albérès.
» Enfin, trois officiers nommés Antonio Palleja, Ramon-Maria Villagarcia et Antonio Soriano partis de Castres pour aller rejoindre les insurgés, sont tombés dans une embuscade au pont de Reynès.
» Mollo ou plutôt Prats de Mollo est une petite ville forte du département des Pyrénées-Orientales à l'extrême frontière, sur le chemin de Perpignan à Campredon et Olot en Espagne. Reynès est un village français, à une demi-lieu de Céret, au pied des montagnes du col del Fache ou port de Reynès aussi à l'extrême frontière. »
Don Carlos continue sa retraite sur les montagnes.
A Madrid la cour est tout entière livrée aux délices de ses résidences d'été, elle quitte Aranjuez pour St-Ildefonse. La reine a par un décret levé bannière contre les moines qu'elle frappe au coeur en attaquant les Jésuites.


Notes : 

Il n'est pas très clair dans cet article si le premier événement concernant le marquis de la Torre a lieu du côté français ou espagnol. En effet, Prats-de-Mollo est bien sur le territoire français, mais par contre Molló est situé en Espagne, immédiatement au sud de Prats-de-Mollo.

L'article situe Reynès comme étant au pied des montagnes du col del Fache, ou port de Reynès. Il existe bien aujourd'hui un coll del Faig, situé à une altitude de 995 mètres, au sud du territoire communal dans sa partie la plus montagneuse. Orienté est-ouest, celui-ci est notamment un point de passage vers la vallée du Mondony et le hameau de Montalba. Aucun vrai chemin ne permet d'y accéder, mais une fois que l'on y est, il suffit de suivre la crête en allant vers le sud pour retourner vers le Roc de France (Roc de Frausa) et alors rejoindre le territoire espagnol.
Malgré tout, il est possible que l'article ait plutôt fait référence à un autre col del Fache, qui se situe lui un peu plus au sud-ouest sur la commune de Saint-Laurent-de-Cerdans, à une altitude de 959 mètres. On y trouve la borne frontière 552. Jadis beaucoup plus fréquenté, il est de nos jours peu accessible, il était alors un point de passage facile vers l'Espagne tout en étant situé directement sur la frontière.

La veille de la rédaction de cet article dans Le Figaro a lieu en Navarre, à l'autre bout des Pyrénées, une bataille dans laquelle s'affrontent 1500 carlistes face à un millier d'isabellistes et dont ces derniers sortent vainqueurs. La nouvelle ne semble pas encore être parvenue au journal.

Source : Gallica + carte IGN 2449OT
Portrait : Vicente López Portaña [Domaine public], via Wikimedia Commons 
Photo : Fabricio Cardenas (CC-BY-SA)
Retranscription : orthographe fidèle à l'original 
Précisions sur le col del Fache : actualisé le 21/07/2016.



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