vendredi 20 février 2015

Attaques de loups en Cerdagne en 1864

Le loup a officiellement disparu des Pyrénées à la fin du XIXème siècle et l'on a un peu oublié les craintes qu'il pouvait inspirer aux populations par le passé, même si sa dangerosité réelle, tantôt supposée, tantôt avérée, était en partie le fait de sa représentation dans la culture européenne. Quoi qu'il en soit, les attaques du loup envers l'homme restaient rares en général, souvent le cas d'animaux enragés où, ainsi que nous allons le voir ci-dessous, affamés en raison de périodes de grand froid. Rappelons que le loup serait de retour dans les Pyrénées-Orientales depuis la fin des années 90, arrivé des Alpes italiennes jusqu'en Conflent où sa présence a été confirmée à de nombreuses reprises.
Voyons à présent les faits qui nous sont relatés dans Le Petit Journal du 17 février 1864 concernant la présence du loup en Cerdagne.
Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Le loup gris commun (Canis lupus lupus)

Voici des faits qui nous font connaître les malheurs que les loups peuvent amener par les grands froids :
On écrit de Cerdagne, le 8 février, au Journal des Pyrénées-Orientales :
Les grands froids qui durent depuis cinq semaines dans nos montagnes ont fait sortir les loups des bois.
Chaque soir à la tombée de la nuit, ils descendent par troupes dans la plaine et rôdent autour des villages et des métairies, où ils égorgent de temps en temps quelques moutons ou quelques roquets inexpérimentés. On les entend hurler quand ils s'appellent. Ils ne s'attaquent point aux hommes voyageant en compagnie, mais il en est tout autrement lorsqu'ils rencontrent une personne isolée. Il est donc très imprudent de voyager seul en ce moment, pendant la nuit. En voici plusieurs preuves.

La semaine dernière, vers sept heures du soir, un homme, armé d'un solide bâton, sortait d'un village espagnol, situé à trois kilomètres environ de Puigcerda ;  lorsqu'il arriva au pont de Tailletorte qu'il devait franchir, il aperçut au milieu du pont, un loup qui l'attendait assis à sa façon. En même temps, plusieurs camarades de ce dernier suivaient le voyageur. Ils l'attaquèrent par derrière, lui emportèrent son manteau qu'ils mirent en lambeaux et lui arrachèrent son bâton qu'il brandissait pour se défendre. Ce malheureux, se voyant perdu, fut saisi d'une frayeur mortelle et cria au secours ! Bien lui valut qu'on entendit ses cris du village voisin. Plusieurs personnes arrivèrent, on tira un coup de fusil qui dissipa sur-le-champ ces bêtes féroces. Sans ce secours, le pauvre homme allait être dévoré. On envoya chercher un médecin qui le saigna tout de suite, mais il demeura trois jours entiers sans pouvoir proférer une seule parole.

Dans la même semaine, un habitant de Dorres, village situé près des Escaldes, revenait de voyage ; pour se réchauffer, il allait à pied, conduisant son cheval par la bride, lorsque, après avoir franchi le ruisseau qui coule au-dessous de Dorres, il se vit assailli par sept à huit de ces carnivores affamés. Il était décidé à leur abandonner sa monture, quand, à ses cris, arrivèrent plusieurs personnes armées d'une simple lanterne allumée. Cette lumière suffit pour mettre en fuite la troupe de loups. Mais ils se sont vengés sur les chevaux et les troupeaux.

Différents fait à peu près semblables à ceux que je viens de raconter se sont passés ces jours derniers en Cerdagne, notamment près du moulin d'Eyne et du côté de Latour-de-Carol.
Veuillez agréer, etc.
Un de vos abonnés.

Le premier de ces deux faits a lieu en Cerdagne espagnole, à quelques kilomètres à peine de la frontière avec la France. Talltorta (Tailletorte dans l'article) est un petit hameau de la commune de Bolvir, situé au sud-ouest de Puigcerdà et peuplé aujourd'hui de 26 habitants. 
Il peut paraître étonnant que l'on pratique encore des saignées en 1864 alors même que son usage est critiqué dès le XVIIIe siècle et tend à disparaître au début du XIXe siècle. Mais nous sommes là en Cerdagne espagnole et peut-être cette technique y était-elle encore répandue à l'époque. Cela ne semble pas avoir arrangé la pauvre victime des loups en tout cas.

Vieux papiers des Pyrénées-Orientales
Vue de Dorres depuis Les Escaldes

Le deuxième cas a lieu à Dorres, en Cerdagne française, juste au nord de Puigcerdà et donc très près de la frontière également. La commune comptait un peu plus de 300 habitants en 1864 (la moitié de nos jours). L'essentiel du territoire de la commune, constitué de montagne, est vide de présence humaine permanente, donc propice à la présence de loups à l'époque.
Les autres communes citées, Eyne et Font-Romeu, sont aussi situées en montagne et en Cerdagne.


Source : Le Petit Journal du 17 février 1864 via Gallica (cf. lien)
Photos :
Loup gris : Dfrancou (CC-BY-4.0)
Dorres : Jack ma (CC-BY-SA)


Pour rappel, les autres articles concernant la Cerdagne sont à relire ici.


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lundi 16 février 2015

Un gendarme distingué à Sahorre en 1883

Le Moniteur de la gendarmerie du 5 août 1883 nous donne comme chaque semaine en son temps la liste des gendarmes médaillés ou cités pour des raisons diverses. Parmi ceux-ci on trouve à cette date un gendarme de Sahorre, en Conflent, distingué pour sa rigueur morale. Sahorre est à l'époque au maximum de sa population avec 826 habitants recensés en 1881 (pour 364 en 2012). Il n'y a plus de brigade de gendarmerie de nos jours à Sahorre, la plus proche étant à Vernet-les-Bains.

Citations
16e Légion bis

Cortie, gendarme à Sahorre (Pyrénées-Orientales). Le 13 octobre, mis à l'ordre de la Légion pour avoir, le 4 octobre 1881, à Sahorre, fait acte de probité en remettant à son chef de brigade un porte-monnaie contenant la somme du [sic] 70 fr. 40 cent. qu'il venait de trouver, sans témoins, et avoir refusé la récompense que lui offrait le propriétaire de l'argent.

Note : Pour avoir une idée de la somme importante contenue dans ce porte-monnaie et à titre de comparaison, un facteur à pied gagne en 1890 un salaire annuel de 600 francs. On peut donc supposer que cette somme équivalait grosso modo à plus d'un mois de salaire pour ce valeureux militaire.

Source : Gallica (cf. lien)
Photo : Fabricio Cardenas (CC-BY-SA)


Pour rappel, une autre histoire de gendarme à relire ici sur ce blog.

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vendredi 13 février 2015

Ambroise Paré à Perpignan en 1542

Ambroise Paré en 1578
En 1542, François Ier vient de se lancer dans la neuvième guerre d'Italie, contre Charles Quint et Henri VIII d'Angleterre. Cherchant à multiplier les fronts de bataille, François Ier réussit à s'emparer momentanément du Luxembourg et envoie une autre armée mettre le siège devant Perpignan, alors en territoire espagnol. Cette dernière opération s'avère un échec pour les français, mais permet à un jeune chirurgien, Ambroise Paré, de continuer à se faire la main avant de devenir plus tard l'inventeur de la chirurgie moderne et la célébrité que l'on sait.
Dans l'exemple qui suit, tel que narré dans Les Ambulances et les ambulanciers à travers les siècles (1906), Paré démontre son ingéniosité, cinq siècles avant les méthodes extravagantes que l'on peut voir de nos jours dans Les Experts et ce, avec des moyens plus que rudimentaires, pour répondre à la question :
est la balle ?

Au camp de Perpignan en 1543,  le maréchal de Brissac avait reçu un coup de feu près de l'omoplate droite et les chirurgiens ne pouvaient trouver la balle.
Rénovant alors le précepte hippocratique, Paré eut l'idée de mettre le blessé dans la position où il était lorsqu'il avait reçu le coup de feu.
La balle se révéla alors par une légère saillie sous la peau et fut extraite par le chirurgien du Dauphin, Nicole Lavernault.

Note : Le siège de Perpignan a bien lieu en 1542, et non en 1543, comme indiqué par erreur dans l'ouvrage.

Source :
Wauthoz (Henri A.), Les Ambulances et les ambulanciers à travers les siècles, Paris-Bruxelles, J. Lebègue, 1906 (via Gallica) [domaine public]
Portrait : Anonyme de 1578 (Wellcome collection via WikiCommons) [domaine public]


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dimanche 1 février 2015

Devenir maire à la place du maire à Caramany en 1815

Poursuivant mes retranscriptions concernant la période des Cent Jours dans le département des Pyrénées-Orientales, la situation que je découvre aujourd'hui en 1815 à Caramany, montre une certaine tension à la mairie. Contrairement aux cas vus précédemment pour les autres communes, dans lesquels le maire était soit maintenu en place par le préfet soit remplacé par une autre personne (souvent brièvement), nous sommes ici en présence d'un Carmagnol souhaitant être maire à la place du maire et qui tente une démarche en ce sens auprès du préfet des Pyrénées-Orientales. Le dénommé Jullien Pugeol prétend en effet avoir été élu à l'unanimité par une assemblée populaire souhaitant se débarrasser du maire en place.


Monseigneur le Préfet

Permettez que je mette sous les yeux de votre grandeur
la position de la commune de Caramaing canton de Latour
departement des Pirennees Orientales : j'ai été nommé maire
à l'unanimité des voix et consentement général de ladite commune. L'ancien
maire qu'on ne veut en aucune manière, continue de faire les fonc-
tions. Les habitants sont fachés que je ne réponde pas à leur entière
confiance. Que votre grandeur ordonne immédiatement après ma lettre
reçue, que je sois mis en activité des fonctions comme elle a deja fait
à Bellesta, Planezes et autres communes, j'attens cette grâce de votre
bonté et justice.

J'ai l'honneur d'être avec Respect
de votre grandeur
Monseigneur

Votre très humble et obeissant
serviteur
Jullien Pugeol maire nommé
par l'unanimité des voix de la commune
de Caramaing canton de Latour

au dit Caramaing, le 26 juin 1815


Le maire dont Jullien Pugeol voudrait prendre la place est Louis Chauvet, nommé depuis 1800 déjà et qui pouvait donc se vanter d'être resté en place durant tout le Premier Empire. Autant dire que notre prétendant n'avait aucune chance face à ce fidèle sujet de l'Empereur. Louis Chauvet restera donc en place jusqu'en 1816, date à  laquelle il est remplacé par Dominique Fourcade. Pugeol, quant à lui, ne deviendra jamais maire de Caramany. Quelques mois plus tard, Louis Chauvet manque de se faire assassiner par un mécontent. L'ambiance était tout sauf tranquille depuis plusieurs années à Caramany, les maires étant notoirement en conflit avec le curé. Pugeol était-il un partisan du curé ? Sans doute un spécialiste de l'histoire locale saura-t-il me répondre.

Jullien Pugeol invoque comme exemple les cas de Bélesta et Planèzes, communes proches géographiquement de Caramany. Le maire de Bélesta Baptiste Pugnaud est effectivement destitué en 1815 et remplacé par un certain Jacques Biles, mais il retrouve sa place dès le 21 juin de la même année ainsi que nous l'avons déjà vu, soit cinq jours avant ce courrier de Pugeol. Quant à Planèzes, il me semble au contraire que le maire Jean Baillette est resté en place durant les Cent-Jours, ainsi que nous le verrons plus tard.
Notons que Pugeol utilise dans ce courrier le nom de Caramaing, forme francisée de Caramany et nom officiel de la commune tel que déclaré dans le Bulletin des lois en 1801, où apparaît également la forme  Caramany, démontrant une certaine confusion à l'époque entre, sans doute, usage local et usage administratif.

Retrouvez ici tous les articles en rapport avec le Fenouillèdes.
A lire : l'excellent site de l'association Le Pari du lac sur l'histoire de Caramany
avec ses anecdotes et autres histoires

Sources :
Texte : ADPO, 2M37
Bulletin des lois : Notice Cassini de Caramany.
Dates et noms maires : MairesGenWebpour Caramany, transcriptions personnelles des documents d'époque pour Bélesta et Planèzes.




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