mercredi 24 juin 2015

Ode aux environs d'Amélie-les-Bains en 1912

Des babas à Montalba !
Nous avons pu lire précédemment dans l'Amélie journal du 11 janvier 1912 à propos du Tech les vers de Marc Anfossi , écrivain parisien alors en cure à Amélie-les-Bains. Dix jours plus tard, celui-ci récidive, dans le numéro du 21 janvier 1912, mais cette fois-ci à propos des environs d'Amélie. En effet, le principal souci des curistes est bien entendu de se trouver des distractions et Montbolo, Palalda ou Montalba-d'Amélie sont à l'époque des sujets d'excursions tout trouvés et accessibles. Il en résulte un poème étonnant, sur un mode enfantin, et qui se prêterait assez bien à la chanson (mais peut-être quelqu'un l'a-t-il déjà mis en musique ?).

Confidences d'un moutard parisien

Moi j'aime beaucoup Amélie...
C'est une Montagne jolie
Maman y refait sa santé
L'hiver, et quelquefois l'été.
On s'y promène, on s'y adonne
Et quand j'ai soif, maman mignonne
Souvent me grise de lolo
     A Montbolo.

Que de charmantes promenades !
Que de roches, que de cascades !
Sauge, lavande, serpolet
Parfument chaque ruisselet.
Papa dit : La belle nature !...
Grand'mère paye des montures
Et nous allons tous a dada
     A Palalda.

Quelquefois, légers, très ingambes
A nos cous nous prenons nos jambes
Et sans nous fatiguer jamais
Nous escaladons les sommets.
A ce jeu l'appétit s'aiguise,
Et pour le calmer à ma guise
Maman me bourre de babas
     A Montalba.


Pour gâterie conforme,
Marc Anfossi
Amélie-les-Bains, janvier 1912

Note : En 1912, Palalda et Montalba-d'Amélie sont encore des communes indépendantes. Palalda fusionne en 1942 avec Amélie et Montalba-d'Amélie est rattachée en 1962.

Source : Amélie journal du 21 janvier 1912 (via Bib. numérique de Perpignan, domaine public)
Photo : Fabricio Cardenas, CC-BY-SA


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mercredi 17 juin 2015

Royalistes de Pia en prison en 1880

Henri d'Artois
On trouve dans Le Petit Parisien du 20 juin 1880 une brève montrant comment, sous la Troisième République, on peut se trouver mis en prison (par un juge un tantinet zélé sans doute) pour avoir exprimé un peu trop bruyamment ses opinions politiques en public, quelques jeunes royalistes de Pia, en Salanque, en ayant fait les frais.

Les cris séditieux

En attendant que la magistrature soit épurée, ce qui n'aura pas lieu de sitôt au train dont vont les choses, la cour d'appel de Montpellier, peuplée de réactionnaires, vient de donner la mesure de ce qu'elle sait faire.
Quelques jeunes gens de Pia (Pyrénées-Orientales) avaient été récemment condamnés par le tribunal correctionnel de Perpignan à la prison et à l'amende pour avoir crié publiquement : Vive le Roi ! Ils ont fait appel devant cette excellente cour de Montpellier, qui s'est empressée d'enlever la prison et de réduire l'amende à une somme insignifiante.
Décidément, il n'est que temps de réorganiser la magistrature !  J. B.

En 1880 en France, le parti des royalistes est en perte de vitesse mais encore réuni autour de la personne d'Henri d'Artois, comte de Chambord et prétendant au trône. C'est donc sans doute à lui que font référence les jeunes gens de Pia dont il est question ici. Le comte de Chambord meurt peu après, en 1883, et ses partisans se divisent alors entre les différents prétendants possibles.

Source : Le Petit Parisien du 20 juin 1880 (cf. lien via Gallica) [domaine public]
Portrait : peinture d'Adeodato Malatesta (1806-1891), via Wikimedia Commons [domaine public]

Quelques autres histoires à propos de prison de ce blog à relire ici.

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jeudi 11 juin 2015

Quête insistante du curé de Rasiguères en 1887

Vue générale de Rasiguères
Parmi les nombreux journaux républicains et anti-cléricaux de la fin du XIXème ou du début du XXème siècles, le quotidien parisien de La Lanterne ne manque jamais une occasion de se moquer des curés de campagne, ainsi que nous l'avons déjà vu concernant le curé de  Théza en  1900. Cette fois-ci, l'article paru dans l'édition du 18 avril 1887 ridiculise le curé de Rasiguères, petit village du Fenouillèdes peuplé à l'époque d'un peu plus de 300 habitants (le double de la population actuelle). Le journal ne mentionne jamais par quel moyen il a vent de ces histoires de campagne : parfois les faits sont empruntés à la presse locale ou même envoyés directement par un lecteur du journal, trop heureux de faire de son curé un sujet de plaisanterie à travers le pays. Dans un cas comme dans l'autre, nous n'avons bien sûr qu'une version de l'histoire.

Perpignan, 16 avril. - Pour alimenter le denier de Saint-Pierre et aussi « pour faire des curés » (textuel), le desservant de Rasiguères se livrerait, volontiers, à une scène de pugilat.
Voici ce qui s'est passé le dimanche, 10 avril courant, dans l'église de cette dernière commune :
Pendant la messe, à un moment donné, deux ou trois paroissiens se lèvent, prennent des assiettes et vont, le curé en tête, présenter ces plats à chaque assistant. Il paraît que la recette n'était pas abondante, et c'est alors que le curé, n'y tenant plus, apostropha en ces termes chacun des assistants : « Toi, donne-moi un sou !  Toi, donne-moi deux sous pour avoir mangé de la viande pendant le carême », et ainsi de suite. Il est ainsi arrivé en présence du sieur X..., instituteur en retraite, et lui a demandé un sou. « Je n'en ai pas », a répondu X... « Vous n'avez donc pas d'argent ? » a ricané le curé. Pour toute réponse, X... lui a montré une pièce de 5 francs. Interdit, notre mendiant a continué sa ronde. Mais, il a vite été remis. « Allons, jeune homme, un sou, tu fumeras un cigare de moins ! Allons, petits, des sous ! des sous ! des sous ! »
Les assistants, d'abord abasourdis par le toupet de leur cher pasteur, sont revenus à eux, et une rumeur sourde s'élevait, prélude d'une émancipation prochaine, quand soudain notre fougueux curé, déboutonnant sa soutane, s'est écrié :
« Si quelqu'un d'entre vous a une dent de lait contre moi, qu'il vienne me trouver ; ici ou ailleurs, je saurai lui répondre. » Ce coup de théâtre lui a pleinement réussi. Aucun des assistants n'a relevé le défi, et les brebis galeuses sont rentrées au bercail ! N'aurait-il pas eu raison de dire que le curé de Rasiguères est un vrai batailleur ?
Si j'avais un conseil à donner aux habitants de cette localité, surtout à ceux qui se disent républicains, je leur dirais : « Restez chez vous, ainsi que vos femmes et vos enfants, et laissez le curé tranquille dans son église, vous ne courrez pas ainsi le risque d'être provoqués, et vous ferez acte de liberté et d'indépendance. »

Note : L'église de Rasiguères, dédiée à saint Jean-Baptiste, est récente (sans doute à l'emplacement d'une église plus ancienne dont il ne reste rien) et date des XVIII et XIXème siècles.

Suivez les liens pour retrouver les articles précédents de ce blog
concernant les Fenouillèdes ou les curés !

Source : Article paru dans La Lanterne du  18 avril 1887, via Gallica (cf. lien) [domaine public]
Photo : Babsy, via Wikimedia Commons [CC-BY 3.0]

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lundi 1 juin 2015

Culture du cerisier dans les Pyrénées-Orientales en 1938

Un cerisier à Maureillas en 1938
Ce week-end du 30 et 31 mai a eu lieu à Céret la fête de la cerise. Nous avons pu déjà voir dans des précédents articles que, bien que sans doute ancienne, la culture de la cerise y est très longtemps restée totalement anecdotique puisqu'à la fin du XIXème siècle Céret est universellement renommée pour ses noisettes et que l'on ne commence à parler de la cerise de Céret dans la presse nationale qu'à partir de 1926, avant que ne démarre en 1932 la tradition d'envoyer une caisse de cerises au président de la République, opération publicitaire efficace et qui prouve alors la précocité de la cerise de Céret parmi les cerises françaises.

Le succès de la cerise de Céret à partir des années 20 a incité les producteurs fruitiers a planter des arbres en grande quantité, tout en provoquant l'émergence de nouvelles variétés, non plus pour la consommation locale mais plus aptes au transport et pour le commerce national. Je propose donc dans cet article de commencer à faire le point sur cette révolution de la cerise dans les Pyrénées-Orientales vingt ans après, soit en 1938, à travers le constat dressé par les ingénieurs agricoles Peyrière, Basset et Clave dans Cultures fruitières et maraîchères dans les Pyrénées-Orientales.

En 1938, la cerise est cultivée dans tout le département sauf dans le canton de Mont-Louis. Quatre communes cependant concentrent la moitié de la production : Céret, Maureillas, Reynès et Llauro. On compte 90 000 cerisiers à travers tout le département produisant en moyenne 24 000 quintaux par an. La région de Céret en particulier est passée de 20 000 à 30 000 cerisiers de 1920 à 1937 et produit alors 15 000 quintaux, soit plus de 60% de la production départementale. Voyons quels sont les cantons concentrant le plus grand nombre de cerisiers en 1938 :

Canton de Céret : 45 000
Canton de Prades : 7 200
Canton de Thuir : 6 400
Canton d'Argelès-sur-Mer : 5 250
Canton d'Arles-sur-Tech : 2 200
Canton de Saint-Paul-de-Fenouillet : 2 000
Canton de Latour-de-France : 2 000

La position dominante du canton de Céret est incontestable, mais on peut voir que d'autres régions telles que les cantons de Prades (avec la commune de Clara) ou de Thuir (avec Llauro) ont également une production honorable. Le podium de tête des communes aux plus grand nombre de cerisiers sont les suivantes, toutes dans le canton de Céret :

Céret : 25 000
Maureillas : 7 000
Reynès : 5 500

Les auteurs précisent qu'à l'époque les cerisiers n'existent sous forme de plantation quasiment que dans la région de Céret. Partout ailleurs dans le département, ils sont soit isolés, soit en petits groupes en bordure des champs, des vignes ou des prairies.
En ce qui concerne les plantations, les jeunes arbres sont tous issus des pépiniéristes locaux et plantés à 7 ou 8 mètres les uns des autres. Sitôt plantés, ils sont rabattus à une hauteur entre 1,30 et 1,50 mètre. Ensuite, quelques-uns les taillent en gobelet durant les premières années, la plupart laissent l'arbre livré à lui-même. Le seul traitement appliqué est une bouillie bordelaise à 2%, pulvérisée en hiver. Le rendement moyen est de 70 kg de cerises par arbre. En 1937, un arboriculteur de la région obtient toutefois un rendement de 150 kg sur une cinquantaine de ses cerisiers.

Note : Un quintal métrique équivaut à 100 kg. La région de Céret produit donc à l'époque 1 500 tonnes de cerises pour 30 000 arbres (dont 1 250 tonnes rien que pour Céret même), ce qui correspond plutôt à un rendement moyen de 50 kg par arbre. On est encore loin des quantités produites dans les années 70, mais c'est en fait le niveau auquel on est revenu de nos jours.

Note 2 : Un film documentaire sur l'histoire de la cerise à Céret vient de sortir ces jours-ci. Il s'agit de Céret, des cerises et des hommes, de Claire et Gérard Ebele. Plus d'infos ici.

Nous verrons dans un article suivant les variétés cultivées à l'époque.

Source et photo :
* Peyrière, Basset et Clave, Cultures fruitières et maraîchères dans les Pyrénées-Orientales, 1938 (domaine public ?)




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