Vignobles malades de Saint-Hippolyte en 1906

Extrait du Voyage en Salanque, relaté par l'ingénieur agronome P. Carles en 1906.

Dérogeant aux usages du pays, nous allons visiter les vignobles près de Saint-Hippolyte, ce que mon ami Léon Joué, appelle le pays de l'anthracnose. Et du fait, c'est bien ce nom qui convient à cette région. Difficilement dans l'Hérault, on peut s'imaginer les dégâts et la mortalité occasionnés par cette redoutable maladie cryptogamique. En entier, ayminates (mesure locale, correspondant à 60 ares), disparaissent. Il semble qu'il existe une corrélation entre l'intensité du mal et les endroits où les brouillards marins se sont arrêtés. Il est certain (on l'a toujours constaté) que la Salanque est un pays dont le climat et la situation, sont on ne peut plus favorables au développement des maladies cryptogamiques ; cependant, on doit attrtibuer la grande quantité de surface anthracnosée aux boutures qui ont dû y être plantées en masse, au grand appel des bois fait à certaines époques, pour utiliser des terrains possédant d'autres cultures ou n'ayant jamais été que des prés salés. Le milieu aidant, l'invasion a été rapide et les foyers sont difficiles à faire disparaître, car il en apparaît chaque année à l'endroit où on s'y attendrait le moins. Aussi les habitants de la Salanque ont-ils recherché des moyens de lutte. J'ai visité de nombreuses propriétés, mais je puis dire que partout où les traitements préconisés par M. Léon Joué ont été appliqués, il y a eu des améliorations notables et quelquefois même des cas de guérison, là où pendant plusieurs années on avait badigeonné et poudré. La propriété que M. Léon Joué possède entre St-Laurent et St-Hippolyte a été pour lui un champ d'expériences d'une réelle utilité. Non pas qu'il y manque de l'anthracnose, mais partout où le traitement a été régulièrement effectué, le professeur de l'arrondissement de Béziers n'a pu être que satisfait. Il est bien établi, et c'est l'opinion de MM. Ravaz et Viala, deux savants ampélographes éminents, que les poudres alcalines sont nuisibles aux pores de l'anthracnose. M. Joué recommande des poudes alcalines que le propriétaire peut lui-même fabriquer et la formule qui lui a paru la plus satisfaisante est la suivante : Chaux du Theil, 50 kil. Ciment à prise lente, 25 kilogr ; Superphosphate minéral, 25 kil, Pour nous, qui avons employé et recommandé l'emploi dans plusieurs domaines de différentes formules se rapprochant de celles de notre ami, nous pouvons dire que nous croyons absolument à l'efficacité de ces mélanges à base de ciment de chaux. Outre nos résultats, ceux obtenus par M. Joué confirment le fait et nous croyons que le mélange de soufre avec la chaux ou d'autres matières alcalines ne peut donner de résultats contre l'anthracnose, que si la quantité de soufre est très faible, ce qui ne permet pas au produit d'être suffisamment efficace contre l'oïdium. Nous devons ajouter que les traitements aux poudres doivent être le complément du traitement d'hiver, soit au sulfate de fer acide, soit à la solution simple d'acide sulfurique (10 kilogr. d'acide pour 100 litres d'eau). « Les aspersions ou badigeonnages, d'après M. Léon Joué, doivent se pratiquer sur les souches lorsque celles-ci ont été taillées, déchaussées et même souvent décortiquées. Le décorticage n'est pas absolument indispensable, mais il est prudent de le pratiquer sur des souches qui ont été fortement endommagées. Les écorces étant enlevées, le bois de la souche s'imbibe mieux de liquide et la solution pénètre plus profondément dans les chancres. » Mais l'anthracnose n'est pas seule à atteindre les vignes de la Salanque, le mildew de la grappe réduit également la récolte ; il en est de même de l'oïdium.

Source : L'Agriculteur moderne du 2 décembre 1906 [domaine public] via le fonds numérisé de la Médiathèque de Perpignan.

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